MATINALE DU DEVELOPPEMENT – Comment naît la confiance dès la première rencontre ?

Par Dominique Soum Vergez et Corinne Ley Charles

Nos Matinales du Développement vous donnent des pistes en matière d’évolution des personnes et des organisations. Il n’est pas rare qu’elles viennent aussi challenger nos pratiques et postures en tant que coachs ! Démonstration…

Le 6 février dernier,Kevin Hiridjee, psychologue, a répondu présent à notre invitation. Son profil – Kevin est un entrepreneur qui s’est reconverti comme psychologue clinicien et psychothérapeute -, faisait de lui le témoin idéal pour venir décortiquer ce qui se joue lors de la première rencontre entre une personne et son coach, thème de cette Matinale. En croisant nos grilles de lecture, l’idée était aussi de faire ressortir les éléments qui permettent d’installer la confiance de part et d’autre lors de ce premier contact.

Créer l’alliance

La première rencontre est cruciale. En prenant pour point de départ « La courbe de l’engagement » de la Gestalt, approche thérapeutique fondée dans les années 70, nous avons réfléchi aux éléments concrets qui nous aident à réussir ce moment : ce qui permet de se choisir et de s’engager à travailler ensemble.

Précontact, contact, engagement : toutes ces étapes sont signifiantes, de la façon dont on se serre la main aux quelques minutes que l’on prend en fin de séance pour évoquer les termes d’un éventuel contrat. De façon très pratique, Corinne Ley Charles a son « questionnaire type » de la première rencontre. Avant même d’évoquer le CV de la personne, il lui permet de poser les bases de la relation coach/client : Quel événement a-t-il plus particulièrement provoqué votre demande de coaching ? Qu’attendez-vous de moi ? Qu’est-ce qui pourrait freiner ou remettre en cause cette action ?, etc.

Fidèle au modèle de « l’élément humain » de Will Schutz, Dominique Soum-Vergez emploie quant à elle d’autres termes pour qualifier les trois étapes observées lors d’une première rencontre : Inclusion, Contrôle et Ouverture. « L’inclusion, c’est éminemment intuitif, corporel et émotionnel, et c’est directement lié à ma posture en tant que coach : est-elle adaptée à la personne ? A la situation ? Ensuite pour s’engager, il s’agit de rassurer le/la coaché(e) à la fois avec une vision éthique explicite et des règles de fonctionnement. Et cela implique aussi la prise en compte du système autour de la personne. Enfin l’ouverture, c’est le parler vrai ». Or, pas de dialogue authentique sans confiance !

Cette « sensation » qu’on appelle confiance

Quoi de mieux qu’une mise une pratique pour illustrer nos propos ? Nous avons simulé une rencontre entre un coach (Corinne) et une cliente (Dominique), dans le cadre de la prise d’un nouveau poste. Corinne déroule son questionnaire, rebondit aux réponses de Dominique… Puis, constatant que celle-ci commence la plupart de ses phrases par « il faut que », Corinne lui demande simplement : « J’entends bien qu’il faudrait ceci ou cela… mais de quoi auriez-vous envie ? ». Illustration parfaite de ce que les mots, bien choisis, peuvent déclencher : « la conversation a complètement basculé, d’un seul coup, j’ai ressenti physiquement un afflux d’énergie et d’émotion… ». Conclusion, la confiance est une sensation aussi cérébrale que corporelle, cette fameuse alchimie que la plupart des gens nomment « le bon feeling ».

Dans le rôle de celui qui observe ce qui se passe depuis les coulisses, Kevin a débriefé cette première rencontre fictive, mais néanmoins chargée d’authenticité. Avec l’œil du psychologue, il y a notamment vu la notion de culpabilité, le besoin de sécurité, les thèmes de l’identité et du narcissisme… Intervention éclairante qui a confirmé à quel point coachs et thérapeutes pouvaient évoluer dans des « territoires alliés ».

Thérapeute et coach : chacun son territoire ?

Quand une personne a recours au coaching pour dénouer une problématique professionnelle, où commence et où s’arrête l’action du coach ? Jusqu’où pouvons-nous aller dans la sphère plus personnelle de nos clients ? Dans quels cas (souffrance au travail), doit-on les réorienter vers un thérapeute ? Ces questions se posent fréquemment car, même si dans nos professions nous pouvons être amenés à accompagner des personnes « en burn-out » par exemple, ce n’est ni avec les mêmes objectifs ni les mêmes outils.

Première évidence à souligner : le thérapeute soigne, pas le coach ! Dominique : « Je peux travailler sur les émotions, l’estime de soi, la gestion du stress… mais quand je ressens un état particulièrement fragile, je vérifie toujours que mon client a par ailleurs un accompagnement thérapeutique ».

Corinne : « En coaching, je suis ‘à parité’ avec mon client, il peut tout à fait y arriver sans moi, mais à deux on va aller plus vite ! Ensuite j’explique d’emblée mes intuitions, je dévoile ma stratégie et je propose des directions. ». A l’inverse, le thérapeute aura plutôt tendance à s’effacer, à ne peut pas trop dire pour ne pas influencer son patient. De fait, le parcours d’un patient est plus « chaotique » que celui d’un coaché. Kevin Hiridjee : « Souvent, on se plaint du silence du psy, qui peut être angoissant, en réalité ce silence vise à permettre au patient de SE DIRE avec SES mots. Dans la thérapie, c’est dans la parole que l’on se libère de ses maux, de ses souffrances ».

Regards croisés, enrichissement réciproque

Quels sont les enseignements de cette Matinale ?

Kevin : « Pourquoi m’interdirais-je en thérapie certaines choses qui marchent en coaching ? J’ai envie de m’inspirer davantage de l’approche pragmatique des coachs ».

Une participante : « Pour faire alliance, il faut un cadre bien délimité. C’est grâce aux règles du jeu que le terrain (du coaching) peut devenir un espace d’expression ».

Corinne : « Avancer avec moins de certitudes, faire confiance au temps, laisser émerger les choses… »

Dominique : « Nous avons tout intérêt à tendre des ponts entre nos pratiques. Notre rôle c’est aussi la possibilité de guider nos clients dans les autres métiers de l’accompagnement ».

Notez la date de notre prochaine Matinale : ce sera le jeudi 28 mai, sur le thème : Coaching individuel et approche systémique. Pour plus d’informations : matinaledudeveloppement@googlegroups.com

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